lunes, 27 de abril de 2009

PROCEDES LEXICAUX ET STYLISTIQUES


Ayant constamment besoin de se renouveler, tout argot se sert d’un nombre considérable de procédés de formation. Il s’agit des procédés fonctionnant à la base de la formation lexicale et des procédés stylistiques.
Les procédés lexicaux: troncation (apocope et aphérèse), suffixation déformatrice, resuffixation, composition, redoublement et d’autres procédés.
Il existe des argots qui ont été créés par utilisation d’un code conventionnel. Ce sont, par exemple, les argots appelés: largonji, louchébem, javanais, verlan, cadogan.
En ce qui concerne les procédés stylistiques, l’un des modes fréquents de formation d’unités nouvelles est directement lié à ce que R. Jacobson appelle la fonction poétique du langage. Il consiste à nommer un objet par une de ses caractéristiques, le plus souvent par métaphore, métonymie et synecdoque.
Il y a bien d’autres façons de formation telles que substitution synonymique, utilisation des images, analogie, euphémismes, emprunts aux dialectes, à la terminologie, aux langues étrangères, notamment de l´anglais (franglais) et de l´arabe.
Ce qui caractérise le plus nettement l’argot c’est sa tendance à altérer et à déformer les mots. Tous les procédés de déformation argotique se rattachent à des phénomènes normaux du langage que l’argot n’a fait que développer et hypertrophier.

1. Parmi les procédés lexicaux les plus fréquents se trouve la troncation qui est souvent résultat de ce qu’on appelle «économie de l’expression». L’argot, langage parlé, opère avec des vocables plus ou moins amputés d’une partie de leurs syllabes. On le voit aussi dans le langage familier où on dit métro, taxi, météo, télé, anniv, mez, foot, plez...
On distingue deux sortes de troncation – apocope, consistant en suppression de syllabe/s/ à la fin d’un mot (artiche – apocope d’artichaut, tac – apocope de taxi, bouille – bouillotte) et aphérèse, qui se montre par chute d’un phonème ou d’un groupe de phonèmes au début d’un mot (acré – aphérèse de sacré, boche – alboche, gnard – mignard, loute – louloute, ricain – américain, troquet – mastroquet).
Le mot peut être modifié par plusieurs procédés à la fois, par exemple : troncation et resuffixation (calcif = caleçon + -if, derche = derrière + -che, alcoolo = alcoolique + -o, Amerlo = Américain + -o, burlingue = bureau + -lingue, calbar = caleçon + -bar, morcif = morceau + -if) aphérèse et redoublement (zizique – de musique, doudoune – de bedoune) ou apocope et jeu de mots (bouc – de bookmaker).
La dérivation est, en français, un des moyens privilégiés de renouvellement du lexique.
D’abord l’argot se sert des suffixes populaires avec leur valeur courante, si bien qu’on ne peut distinguer ces formations de celles du langage populaire. Mais il ne s’est pas contenté seulement des suffixes courants et il en a créé de nouveaux, les uns par généralisation des finales, les autres par renforcement de suffixes. L’argot a développé ces deux procédés dans des proportions insolites.
Bien plus souvent il se sert des suffixes pour altérer la forme des mots, sans en
changer le sens (suffixes déformateurs), par ex. aminche – ami, boutanche –
bouteille, cravetouse – cravate, calmos – calme, fastoche – facile, dirlo – directeur, escadrin – escalier, frangin, frelot – frère, vioque – vieux, etc.
En français il y a une grande variété de suffixes utilisés pour former ou déformer une expression, par exemple les suffixes à une valeur péjorative -ard,-asse /connard, m. – con, peinard, m. – peine, connasse, f. – con, vinasse, f. –vin/, les suffixes -ingue /salingue, n. et adj. – sale/, -aille /flicaille, f. – flic/,-iche /bonniche, f. – bonne/, -oche /baloche, m. – bal/, – ouille /pedzouille, f. –paysan, pézan/, -ton /paveton, m. – pavé/, des suffixes verbaux, fantaisistes nana, f. – Anne/.

Le procédé de substantivation des adjectifs, ainsi que la dérivation régressive, sont aussi fréquents : (tapin, m. – taper, turbin, m. – turbiner, dorme,f. – dormir, tocante, f. – toquer) ainsi que le procédé inverse /verbes créés à labase des noms/ : becter – bec, coffrer – coffre, croûter – croûte,
/se/ gaffer – gaffe
Il est naturel, en dérivant des mots, que l’argot se serve, à côté des nombreux suffixes, des préfixes en-, dé- /enculer = en- + cul, délourder = dé- + lourde/.
Un autre procédé lexical productif est la composition qui se fait à partir d’éléments autonomes, déjà intégrés dans la langue.

a) mots composés soudés
éconocroques, f. pl. – de économies et de croquer
/se/ carapater, v. – de se carrer et de patte
b) mots composés liés par un trait d’union
claque-merde, m. – de claquer et de merde
coupe-cigare, m. – de couper et de cigare
c) mots composés liés par une préposition
monte-en-l’air, m. – de monter et de air avec la préposition en interposée
saute-au-paf, f. – de sauter et de paf avec la préposition à.

Un procédé, en faveur chez les peuples primitifs, et spécial, de nos jours, au langage enfantin est le redoublement. C’est de là qu’il s’est réintroduit dans la langue générale par la voie d’appellations enfantines (bonbon, joujou,...), ainsi que dans la langue populaire et familière. Des mots avec redoublement ont été apportés en français surtout par les Arabes, Sénégalais, etc.
bobonne, f. – redoublement expressif (de bonne)
dodo,m. – redoublement expressif (de dormir)
gogo, m. – redoublement expressif (de gobeur ou de nigaud)
bobo, m. – redoublement de bosse
Un autre procédé de formation repose sur l’imitation des sons. C’est une création essentiellement auditive. Les mots créés de cette façon-ci sont appelés les onomatopées (bouffer, briffer, chialer, craquer, faf, jaser, loufiat, paf, roupiller).

2) En ce qui concerne les procédés de formation stylistiques, les changements sémantiques sont parfois si rapides, surtout à l’époque contemporaine, qu’on ne peut pas souvent reconstituer les étapes précédentes du développement de sens.

Bien des créations restent encore mystérieuses pour nous, car nous ignorons les circonstances qui ont provoqué leur naissance.
On a constaté un renouvellement constant des termes argotiques qui sont rapidement usés. C’est ce qui explique l’importante polysémie et l’importante synonymie. En argot français, lansquiner signifie à la fois «pleuvoir» et «pleurer », le verbe se taper sert à désigner l’action de «manger» de même que le fait de «posséder sexuellement.
L’argot offre des gammes de synonymes pour désigner des objets et êtres précis, par exemple au lieu du verbe s’en aller on peut employer les synonymes se barrer, se casser, s’esbigner, s’évaporer, foutre le camp, mettre les bouts, se tailler, se tirer; au lieu du substantif argent les mots l’artiche, le blé, les boules, le flouze, le fric, le plâtre.
La richesse synonymique de l’argot s’explique par le caractère essentiellement émotif de ce langage; elle est aussi en fonction directe de son renouvellement rapide.

La métaphore, appartenant aux forces principales créatrices des langages argotiques ainsi que des parlers populaires, évoque un objet concret par une autre image concrète, en mettant en valeur une propriété, souvent pas essentielle, mais expressive. Très vivantes et expressives sont surtout les métaphores qui désignent un objet par le nom d’un autre, à cause d’une similitude de forme (choux pour désigner, la tête,; flûtes pour désigner les jambes), de couleur (être vert est une expression d’après la frayeur qui fait verdir; plâtre pour désigner l’argent), de fonctionnement (bouillotte pour désigner une locomotive à vapeur), ou, enfin, par analogie d’une qualité physique (châssis pour désigner l’oeil ou les lunettes à cause de l’idée de transparence; coton pour désigner le fait d’être difficile, compliqué à cause de l’idée de mollesse, d’épaisseur),etc.
Certaines métaphores mettent en lumière les croyances populaires relatives à la psychologie des animaux : vache, adj. – se dit d’un individu ou d’un comportement inspiré par la méchanceté, l’hostilité.

La métonymie est, comme métaphore, une des figures de rhétoriques qui occupe une place importante parmi les procédés de formation. Métonymie naît si l’on prend le nom de la cause pour désigner l’effet, le contenant pour le contenu, le signe pour la chose signifiée ... Ainsi le mot de croûte signifie le plus souvent nourriture ou repas. Une autre sorte de synecdoque (la matière pour l’individu) se montre dans l’utilisation du mot de viande – corps humain, individu.

Dans l’argot, les noms propres occupent une place particulière. La désignation d’un produit par son origine ou par son inventeur, aussi bien que la désignation des événements par le lieu où ils se sont produits, sont courantes dans toutes les langues. Exemple : bigophone – téléphone (de Bigot, nom de l’inventeur d’un instrument de musique en carton), godillot – gros soulier (du nom d’A. Godillot, inventeur d’une chaussure militaire à tige courte), godasse – gros soulier (de godillot, resuffixation péjorative), nana – prostituée; maîtresse; fille ou femme en général (diminutif d’Anne, popularisé par le roman de Zola Nana), zigoto – individu douteux, incapable ou excentrique (issu de Zigomar, titre d’un roman de Léon Sazie).

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